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23 mars 2007

Quelle désobéissance civile préférez-vous?

C'est curieux comme les manifestations de désobéissance civile et les raisons qui les motivent varient d'un pays à l'autre...

En ce 23 mars 2007, deux événements ont retenu mon attention.

À Paris, à la veille des élections, il y a des gens qui veulent impressionner les électeurs par des démonstrations de pouvoir sur les immigrants illégaux. La police les attrape notamment autour des soupes populaires. C'est le principe du piège à rat et son morceau de fromage.

À deux pas de chez moi dans le 19e arrondissement, une directrice d'école s'est opposée à l'arrestation du grand-père d'un de ses élèves sans papier, d'origine chinoise, dont les parents avaient été arrêtés la veille. Le grand-père attendait naturellement l'enfant à la sortie de l'école et la police n'avait plus qu'à cueillir le rat. Ne demandez donc plus "Que fait la police?"! Des parents d'élèves scandalisés par cette arrestation ont tenté de l'empêcher en se couchant dans la rue devant les voitures de police et la directrice a été arrêtée pour outrage. Regardez ce reportage... on se croirait presque à Tian'an Men.

Au Québec, maintenant. Comme le directeur général des élections a expliqué que la loi - qui n'est pas récente - permettait aux femmes qui portent le niqab ou aux personnes blessées avec le visage bandé, par exemple, de voter sans avoir à montrer leur visage pour s'identifier, du moment que ces personnes déclarent sur l'honneur qu'elles sont bien qui elles prétendent être, des Québécois ont proféré des menaces de mort à son endroit et d'autres se sont crus très spirituels en créant un mouvement de protestation à grande échelle contre cette apparence d'accommodement raisonnable qu'aucune musulmane n'a jamais demandé! Le mot d'ordre : le jour des élections, tout le monde est appelé à aller voter avec un masque de Batman, une cagoule, un sac sur la tête, whatever.

Aux dernières nouvelles (LCN-TVA), 30 femmes porteraient le niqab au Québec sur 7 millions de personnes et la moitié n'ont pas le droit de voter car elles n'ont pas la nationalité canadienne. Aurait-on la désobéissance civile qu'on mérite?

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P.S. Je trouve tellement qu'on fait dans la démesure, la xénophobie et l'enfantillage au Québec ces temps-ci! Je ne remets pas en question la nécessité de revoir les politiques d'immigration, celle de faire respecter nos valeurs sociales et notre culture, et le fait que certains extrémistes musulmans profitent d'une trop grande exposition médiatique pour provoquer d'autres incidents et mettre nos limites et nos nerfs à rude épreuve (comme dans l'affaire de la cabane à sucre), mais coudon, capotez pas! Le Québec n'est pas soudainement assiégé par des hordes de talibans, que je sache! Vues d'ici les réactions des Québécois sont parfois épeurantes...

Anecdote anti-raciste à la belge...

À cette époque où la xénophobie et le racisme font régulièrement les manchettes un peu partout dans le monde, voilà une jolie histoire que j'ai envie de partager avec vous. Les bonnes nouvelles sont tellement rares...

À St-Nicolas, en Belgique, certains couples ayant refusé d'être mariés par l'adjoint au maire parce qu'il est noir, des centaines de couples ont décidé de se remarier symboliquement devant lui pour lui montrer leur appui. Sur cette note positive, je vous souhaite de passer une excellente fin de semaine! ;)

11 février 2007

L'après-Hérouxville

Maintenant que tout le monde a vu que l'ardent défenseur des normes de vie de Hérouxville est un imbécile sans éducation (comme le texte le laissait toutefois deviner), s'agit-il de laisser tomber toute critique à l'endroit de la façon d'accueillir et d'accommoder les immigrants? Non, car le malaise exprimé par les habitants de ce village correspond quand même un peu beaucoup à ce que ressent une bonne partie de la population québécoise.

C'est peut-être que le Canada applique une politique d'immigration naïve et dangereuse lorsqu'il dit dans son manuel à l'intention des immigrants, intitulé Comment devenir citoyen canadien :

« Certains pensent qu’en devenant citoyens canadiens, ils devront renoncer définitivement à leur passé et adopter un tout autre mode de comportement. Toutefois, il n’en est pas ainsi au Canada, car la Constitution canadienne garantit à tous l’égalité devant la loi et donne à chacun le droit d’être soi-même. Vous n’avez donc pas à renoncer à vos antécédents en devenant Canadien, car s’il existe deux langues officielles au Canada, il n’y a pas de culture officielle. Vous êtes donc libre de vivre selon vos propres coutumes. »

Il n'y a pas de culture officielle au Canada. Vous avez bien lu. Wow. Je n'en reviens pas. Pas étonnant qu'on en arrive aux normes de vie de Hérouxville avec une telle invitation à faire n'importe quoi chez nous!

Mais entre les angélistes et les xénophobes, entre la majorité québécoise représentée par un simplet honnête et la minorité musulmane représentée par une crapule hypocrite s'étant autoproclamée imam, Saïd Jaziri (emprisonné en Tunisie, condamné deux fois en France, frappé d’un ordre d’expulsion au Canada, fréquentations islamistes, voies de fait, faux papiers, a menti aux autorités, etc.), ne pourrait-on pas trouver des porte-paroles valables, sensés et crédibles, capables d'analyser la situation? Denise Bombardier se dit d'ailleurs soulagée ici que l'historien Gérard Bouchard et le philosophe Charles Taylor aient finalement été mandatés par Jean Charest pour présider une commission d'étude sur les accommodements raisonnables. (Merci pour la référence, Caroline!)

Car, j'insiste, les accommodements raisonnables et la politique d'immigration, il faut en discuter et tirer des leçons des erreurs commises en Europe. Le multiculturalisme, à l'évidence, ça ne marche pas. Alors, que faut-il faire? Avez-vous des suggestions?

01 février 2007

Le syndrome d'Hérouxville (2)

Ah! On dirait que j'avais raison d'appeler ça un syndrome... Voilà que la France, pourtant plus avancée que le Québec sur la question, s'y met et sent le besoin de réaffirmer la laïcité ailleurs que dans les écoles en publiant une charte qui fixe les grands principes de la laïcité dans les situations que les gens vivent au quotidien. Notamment dans les hôpitaux français, qui connaissent les problèmes que l'on imagine quant à l'exigence d'intégristes de se faire soigner par quelqu'un du même sexe.

Cette charte n'est pas normative mais vise à donner des outils concrets aux gens pour les aider à appliquer au quotidien les principes d'égalité et de laïcité dans des situations parfois courantes mais souvent complexes. Je crois qu'elle arrive à point nommé et qu'il serait bon que le gouvernement fasse de même au Canada.

En tout cas, ça me fait un petit velours d'avoir eu une lecture plus juste (Si, si. Je l'affirme. :D) des normes de vie de Hérouxville que Martineau et Lagacé, qui se sont acharnés sur plusieurs billets à railler les hérouxvillois pour cette initiative, honnête mais boiteuse, à coup d'épithètes aussi flatteuses que «débile» et «moron» (ont-il seulement lu ces fameuses normes?). Tous les gens ne sont pas des légistes pour savoir rédiger une charte sans dire des conneries, mais tous les gens sont en droit de s'attendre à ce que le gouvernement les écoute et les aide à adopter une stratégie cohérente qui facilite les relations entre personnes d'horizons divers et apaise les tensions créées par l'incertitude et le sentiment qu'il les a abandonnés.

Le syndrome d'Hérouxville

Un village de 1 300 habitants, Hérouxville, en Mauricie, hier encore inconnu de 99,9 % de la population québécoise, publie des «normes de vie» de cinq pages et voilà que les gens s'arrachent la chemise sur deux continents. Une partie du Québec réagit comme si on venait de publier Mein Kampf II, une autre souhaiterait que toutes les villes se dotent d'un code de ce genre tandis qu'en Europe les champions déçus du multiculturalisme, les Britanniques, cliquent frénétiquement sur toute nouvelle qui mentionne le mot Haywrouville (Merci Caroline pour cette info!). Qu'est-ce que ça veut dire, tout ça?

D'abord, rétablissons les faits, cela me semble urgent. Un coup d'oeil au site Web de la petite municipalité suffit pour me convaincre que Hérouxville n'est pas gouverné par un dictateur xénophobe et raciste, quoi qu'en disent certains journalistes-blogueurs déchaînés (Martineau et Lagacé, entre autres), mais par un élu, un homme ordinaire au vocabulaire défaillant, armé de bonnes intentions, qui tente de répondre tant bien que mal aux préoccupations de ses concitoyens, inquiets, dans un contexte de débat social sur des accommodements raisonnables qui dérapent et d'incitation par le gouvernement à l'installation d'un plus grand nombre d'immigrants en région.

Cet homme s'adresse ensuite à Immigration Canada pour lui demander de l'aider à peaufiner sa «solution». La démarche est démocratique et honnête, mais les normes de vie telles qu'elles se présentent sont - comme on peut s'en douter - très maladroites. Hérouxville ne compte peut-être qu'un seul immigrant, par ailleurs fort content de son sort et bien intégré, mais son initiative exprime un malaise ressenti, je crois, par une bonne partie de la population québécoise, dont il faut parler.

Je vais donc présenter ces normes de vie point par point et les commenter.

À propos des femmes

Le maire insiste sur l'égalité des hommes et des femmes, car même si évidemment la lapidation, l'excision ou même le meurtre de femmes sont interdits par le Code criminel, il a quand même remarqué qu'une bonne partie des problèmes liés aux immigrants concerne le refus de cette égalité. La France, un pays expérimenté en matière d'immigration musulmane et africaine, insiste elle aussi sur cette égalité dans sa brochure d'accueil des immigrants, même si l'interdiction de la discrimination sexuelle est aussi inscrite dans ses lois. La France mentionne même la polygamie, chose à laquelle notre bon conseil municipal n'a pas pensé...

À propos des enfants

L'école est obligatoire pour les enfants, et la violence à leur endroit interdite. Normes inutiles, car inscrites dans les lois.

À propos des festivités

Écouter de la musique, boire de l'alcool et danser sont des choses normales dans la société québécoise... Bon, les talibans ne sont quand même pas arrivés chez nous, là! Calmons-nous! Quoique j'ai entendu parler d'une musulmane qui a interdit à une non-musulmane de boire de l'alcool en sa présence... dans un restaurant! (Oui, je la connais personnellement et elle n'est heureusement pas représentative de tous les musulmans, je sais.)

Faire des sapins de Noël à la fin de l'année civile concerne autant la sphère publique que la sphère privée. Cela fait partie de notre patrimoine et cette fête n'est pas que strictement religieuse. On peut ouvrir un débat sur le sens de Noël, mais disons qu'en gros le maire veut dire que nous tenons beaucoup à nos traditions festives. Bon point.

À propos des soins de santé

Aucune loi n'interdit qu'un homme soit soigné par une femme et vice-versa. Le maire en parle en long et en large, conscient du fait que ce problème commence à devenir épineux dans certains hôpitaux de Montréal. Aucune loi ne l'interdit, mais on sent le besoin d'insister sur le danger de céder aux pressions, car cela porterait atteinte au principe d'égalité entre les hommes et les femmes et mettrait en péril notre système de soins de santé déjà bien fragile. Bon point.

Les hommes peuvent assister aux cours prénataux de leur compagne. Le maire fait clairement allusion au problème qui s'est posé récemment au CLSC de Parc-Extension. Ce problème relève de la mixité, normale au Québec, et du droit du père à participer à la naissance et à l'éducation des enfants, reléguées uniquement aux femmes dans plusieurs cultures. Bon point.

Un médecin peut pratiquer une transfusion sanguine sans égard aux tabous religieux si la vie du patient en dépend. Ce point s'adresse évidemment aux témoins de Jéhovah et je crois que cette question a déjà été débattue à la Cour suprême, mais je n'en connais pas l'issue.

À propos de l'éducation

Les filles ont leur place à l'école, qui est maintenant laïque. Les demandes de locaux de prière seront donc refusées. Les armes sont interdites dans les écoles. Tous les enfants peuvent faire du sport. La nourriture servie à la cafétéria est traditionnelle et ceux qui n'en veulent pas mangent ailleurs. On chante des chansons de Noël. On enseigne l'histoire nationale et la biologie dans les écoles. Ici, on soulève encore le problème de l'égalité des sexes avec la place des filles à l'école et dans les sports. Il est également fait référence au kirpan, perçu comme une arme plutôt que comme un symbole religieux. Il me semble que la cour a tranché en faveur de la valeur religieuse du kirpan, mais le débat sur le degré de laïcité dans les écoles n'est pas clos.

Personnellement, l'intégrisme laïque à la française ne me plaît pas vraiment. Quant à la nourriture, il est facile de toujours prévoir un menu végétarien, ce qui règle bien des problèmes de nature alimentaire, philosophique ou religieuse. Ce serait un accommodement raisonnable à mon sens, et d'ailleurs c'est ce que font les compagnies aériennes et même les congrégations catholiques qui hébergent des étudiants de toute confession. Au fait, pourquoi le maire s'inquiète-il donc du sort des cours d'histoire et de biologie dans les écoles???

À propos des sports et des loisirs

Rebelote à propos des filles et du sport et de la mixité, notamment dans les piscines. Vous saurez apprécier ce nouveau mode de vie, si c'en est un, en partageant nos us et coutumes, dit le maire. En gros, habituez-vous, c'est de même icitte pis c'est l'fun. ;)

Ils ont oublié de parler des shorts et des vêtements de sport ajustés, cause des tourments de l'enfer des juifs ultra-orthodoxes voisins d'un YMCA de Montréal.

À propos de la sécurité

Les fonctions policières peuvent être exercées par des hommes et des femmes. Encore ce bon vieux principe de l'égalité des sexes si difficile à avaler pour certains...

On se promène à visage découvert pour faciliter son identification. La seule exception, c'est à l'Halloween. Nous acceptons que l'on nous prenne en photo pour les pièces d'identité. On fait bien sûr allusion au hiqab, ce voile intégral qui pose vraiment un problème dans notre culture, et pas que pour des raisons de sécurité. Cela concerne la représentation de la femme comme objet de tentation, ce qui est avilissant à nos yeux, et porte atteinte au principe d'égalité des hommes et des femmes, absolument non négociable chez nous, en plus de couper la communication. Le hiqab symbolise une division trop marquée entre les personnes de religions différentes.

À propos du travail

Nous avons des normes du travail et des jours fériés à respecter, car ils sont régis par des lois, votées démocratiquement. Les hommes et les femmes travaillent côte à côte. Les conventions de travail ne prévoient pas de dispositions relatives aux prières. Autrement dit, pas de congé férié pour toutes les fêtes religieuses de toutes les religions. Et quand on travaille, ben on travaille et la religion n'a pas sa place.

Ce point peut faire l'objet d'un long débat, car que penser de la capacité de travailler sous pression et avec précision d'un chirurgien épuisé par un ramadan? Ou des compétences de cette policière du Royaume-Uni qui refuse de simplement serrer la main d'un homme car les musulmanes ne touchent pas d'autres hommes que leur mari? Comment fera-t-elle pour en arrêter un? On peut tout de même se poser la question et demander des clarifications à ce sujet de manière à être rassurés, le cas échéant.

À propos des commerces

Le maire insiste encore sur la mixité chez les employés de commerces et les consommateurs. Il ne faut pas se surprendre non plus de voir plusieurs sortes de viande côte à côte, comme du poulet, du porc, de l'agneau, etc. , dans un étal. On voit que le maire veut aussi éviter les situations dans lesquelles des musulmans ou des juifs exigeraient que le porc soit vendu à un autre endroit que le reste de la viande, le problème étant toujours l'exigence et non le bon vouloir du boucher, qui peut décider d'accommoder quelques clients autrement s'il en a la capacité.

À propos des familles

Les parents élèvent ensemble leurs enfants et les filles sont libres d'épouser qui elles veulent. Les membres d'un couple peuvent être ou ne pas être du même sexe, de la même religion, de la même race, etc. Dans nos familles, les garçons et les filles mangent ensemble à la même table des légumes et/ou de la viande et peuvent manger les deux en tout temps de l'année. Si les enfants mangent de la viande, ils n'ont pas à savoir qui a tué l'animal ni comment il a été tué ni quel jour. Ces viandes sont approuvées de toute façon. Encore des allusions de bon aloi à l'égalité des sexes et une allusion au mariage homosexuel, permis par la loi. Quant à la formulation de la question relative à la viande cachère ou hallal, elle est farfelue et la question inutile. Le maire explique que chez nous, eh ben, c'est comme ça. Cependant, je ne vois pas en quoi un maire peut se mêler de ce que les gens mangent chez eux!

Conclusions

Je pense qu'il faut sentir dans ce «Chez nous, c'est comme ça» en cinq pages, un besoin des gens de se protéger contre les exigences exagérées d'autres cultures, mais également un besoin de se définir et d'expliquer - d'une façon bien naïve et maladroite, cependant - notre mode de vie, nos traditions et nos valeurs aux immigrants et de leur dire que nous les accueillons et leur accordons les mêmes droits que nous mais qu'ils ont aussi l'obligation de respecter notre culture et notre mode de vie et de vivre avec nous. Il n'est pas possible de recréer ici le pays qu'ils ont quitté.

Finalement, si de simples citoyens sentent le besoin de faire cette démarche, on peut se poser cette question : les gens d'Immigration Canada font-ils bien leur travail? Renseignent-ils bien les immigrants sur la vie au Québec et au Canada? Peut-être bien que non. À en croire nos chers Français mécontents d'immigrer.com non, assurément! Peut-être y a-t-il encore du travail à faire de ce côté-là de la clôture?

Mais revenons à l'exemple de la France. En France, les immigrants qui veulent obtenir un titre de séjour reçoivent une brochure qui présente un peu les «normes de vie» des Français, ils voient une vidéo présentant les institutions françaises et certaines coutumes régionales et sont invités à signer un contrat d'accueil et d'intégration, à ce jour facultatif (mais son obligation est à l'étude). On les instruit aussi sur l'égalité absolue et non négociable entre les hommes et les femmes et on leur rappelle ce principe d'égalité à de nombreuses reprises tout au long de la formation civique (de huit heures) et des entretiens avec les agents de l'immigration. Toutefois, en consultant le site Web de l'ANAEM, l'organisme responsable de l'accueil des immigrants, j'ai constaté que 8 % des refus féminins de signer ce contrat sont motivés par... l'interdiction par leur conjoint de le faire ou la pression communautaire!

La cohabitation harmonieuse n'est vraiment pas gagnée avec les éléments radicaux ou ultra-orthodoxes de certaines cultures, même avec la meilleure préparation possible, mais jusqu'où va l'obligation de vivre en harmonie avec son voisin? Doit-on s'effacer devant lui pour préserver la paix? Je crois que l'initiative de Hérouxville annonce qu'il est nécesaire de réexaminer le contrat social passé avec nos immigrants, qui viendront en plus grand nombre au cours des prochaines années, d'expliquer davantage nos caractéristiques culturelles non négociables et d'annoncer ainsi nos limites en matière d'accommodement raisonnable.

21 novembre 2006

Les Français au Québec, prise 2

Bon, la discussion sur les Français au Québec semble repartie de plus belle. Allez y jeter un oeil, si le coeur vous en dit encore...

On a eu la visite du responsable d'immigrer-contact.com. Enfin, juste le temps de copier-coller son post. Je crois qu'il n'a pas compris qu'on s'insurgeait contre le mépris affiché à l'égard des Québécois, qui ne sont pas responsables du foirage de l'immigration des Français au seul Club-Med francophone en Amérique du Nord (là, je sens que je commence à m'énerver...), par la majorité des intervenants du site et non pas contre leurs critiques, à moitié justifiées...

20 novembre 2006

Ma réponse aux Français d'immigrer-contact.com

Voici ma réponse à l'un des nombreux immigrants français qui déblatèrent bruyamment et à tout va sur le Québec sur ce site Web, dans la section Tribune, Un maudit Français qui pue parle du Québec.

Cher chancremou (quel pseudo attirant!),

Je suis d'accord avec ce que vous dites concernant l'évolution intérieure qui découle de l'expatriation et je trouve qu'immigrer donne une chance à toute personne de s'ouvrir l'esprit à d'autres réalités. Malheureusement, ce ne sont pas tous les immigrants qui en feront l'effort, et l'âge n'a rien à voir avec leur capacité d'ouverture. Se dire qu'il est trop tard pour immigrer à 35 ans, c'est ridicule.

Je vous concède également le fait que les Québécois devraient "en revenir" de leur passé de colonisés et s'intéresser davantage à leur avenir. Cette obsession de l'agresseur anglais (qui s'occupe plutôt bien de ses oignons dans les autres provinces) est un problème qui paralyse la société québécoise depuis trop longtemps.

Par ailleurs, je ne suis pas ici pour critiquer les Français par esprit de vengeance, mais plutôt pour tenter d'attirer leur attention sur les responsabilités liées à leur choix d'aller vivre au Québec. J'ose espérer qu'ils n'ont pas décidé de s'expatrier après avoir vu une belle affiche de cabane au Canada dans le métro ou un reportage à teneur touristique. Je crois que leur décision d'immigrer tient plutôt au ras-le-bol des problèmes socioéconomiques français et du marasme dans lequel la France se traîne les pieds depuis déjà de longues années par haine du changement et de la perte d'avantages qui sont d'une époque révolue.

Pour avoir suivi une démarche d'immigration en France, je peux vous dire que les agents français que j'ai rencontrés m'ont sidérée en m'avouant TOUS rêver de s'installer au Québec. Quand je leur demandais pourquoi, aucun ne pouvait me donner une réponse réaliste. Le Québec est un vieux fantasme pour les Français, et leur vision folklorique et fantaisiste de la société québécoise m'a souvent irritée. L'immigré français qui rêve de caribous et de motoneige a toutes les chances de tomber de haut une fois installé chez nous. La faute n'en incombe pourtant pas au Québec.

De plus, je sens chez ces personnes une volonté de fuir un "certain envahissement" par une "certaine population"... Le médecin qui m'a examinée à l'Immigration m'a tenu un discours tellement raciste sur ces "gens qui ne viennent en France que pour faire des bébés" que j'ai cru qu'il me faisait passer un test de tolérance!

J'aimerais tellement vous faire avouer que loin d'avoir été floués par quelques belles affiches, vous êtes venus chercher l'Eldorado au Québec et avez simplement voulu fuir des problèmes qui n'existent malheureusement pas qu'en France. L'immigration peut réellement permettre d'avoir une vie meilleure, mais pas comme l'imaginent bon nombre de vos compatriotes. L'Eldorado, ça n'existe pas.

Le Québec n'est pas un paradis et il faut s'y retrousser les manches. J'ai connu quelques jeunes Français qui ont travaillé dans ma boîte à Ottawa (qui n'est pas au Québec, n'est-ce pas?), et ils étaient tous rebutés à l'idée de commencer au bas de l'échelle (comme tout le monde, quoi) et de faire leurs preuves avant d'avoir droit à un meilleur salaire. Aucun n'aurait eu l'idée d'aller discuter d'un problème avec la patronne. Ils préféraient tous "mémérer" dans son dos. Il faut savoir qu'au Québec, les classes sociales sont moins étanches qu'en France et qu'il y a toujours moyen de moyenner lorsqu'on ne prend pas les gens pour des cons.

Par ailleurs, la mondialisation est une réalité et les problèmes ont tendance à se mondialiser eux aussi. Le Québec ayant une capacité économique moindre que la France mais ayant eu la volonté d'affronter les problèmes liés au vieillissement de la population environ 15 ans avant la France, vous risquez simplement d'assister chez nous à la projection en avant-première de ce qui vous attendra en France dans quelques années (je pense notamment aux services de soins de santé de moins bonne qualité) si vous décidez d'y rentrer...

17 novembre 2006

Accommodements raisonnables?

Ces jours-ci on entend beaucoup parler de la difficulté d'interpréter ce que sont les accommodements raisonnables au Québec, notamment.

Des juifs hassidiques incommodés par la vue de personnes - dont des femmes évidemment - qui s'entraînent ont demandé à ce que des vitres teintées soient posées dans le gymnase d'un YMCA voisin. Le YMCA a acquiescé, privant ainsi les sportifs de la lumière du jour. C'est bizarre, il y a plusieurs juifs hassidiques dans mon quartier et ils n'ont jamais rien demandé à personne - surtout pas ce que ceux d'Outremont ont osé demander jusqu'en Cour supérieure! Le Y est-il allé trop loin dans sa volonté d'accommoder les voisins? Perdons-nous de vue le gros bon sens?

On apprend aussi qu'à Montréal, pendant un an, les femmes qui le désiraient n'ont pas pu suivre leurs cours prénataux au CLSC de leur quartier avec leur mari ou leur conjoint, car cela déplaisait à quelques femmes musulmanes, sikh ou hindoues. Ces couples ont dû se rabattre sur le CLSC d'un autre quartier et débourser 50$ pour se préparer ensemble à la naissance de leur enfant. Ces accommodements étaient-ils vraiment raisonnables?

Que dire des hommes musulmans qui refusent que leur femme se fassent soigner par un homme, mettent en danger la vie de leur femme et agressent même le médecin qui ose faire son devoir? Jusqu'où ira-t-on pour acheter la paix sociale et contenter les minorités, de plus en plus exigentes et multiples?

Je remarque pourtant que la grande majorité des problèmes liés à l'application du principe d'accommodement raisonnable à des croyances religieuses ont un point commun : le refus d'admettre l'égalité entre les hommes et les femmes. Dans les cas qui ont posé problème, la femme est perçue comme une tentatrice, un être impur et inférieur qu'il faut soustraire à tout prix - c'est-à-dire au prix de la liberté de la femme - à la vue des hommes, qui par déduction sont des êtres faibles, incapables de réfréner leurs pulsions sexuelles. Quelle vision réductrice de l'homme et de la femme!

Nous vivons dans une société multiethnique et multiculturelle et il est tout à notre honneur de prôner des accommodements raisonnables de façon à éviter de léser les libertés individuelles. Toutefois, je pense que la liberté et l'égalité de l'homme et de la femme, qui n'ont plus à être débattues ni interprétées, car ces valeurs, acquises après un long combat contre l'ignorance, sont maintenant des valeurs fondamentales de notre société, devraient toujours primer sur les croyances religieuses, qui reposent en majorité sur des interprétations machistes de textes anciens pas toujours très clairs. Répondre à des exigences intégristes ne ferait qu'accentuer la marginalisation d'une partie de la société et exacerber les problèmes.

Au fait, un détail m'a troublée lorsque j'ai fait ma recherche pour écrire ce billet. Ça veut dire quoi, YMCA? Eh bien les sites du YMCA du Canada ou de celui du Grand Montréal n'en donnent pas du tout la signification, figurez-vous. L'organisation a certainement beaucoup évolué depuis sa fondation, mais YMCA veut tout de même dire Young Men's Christian Association ou, en français, l'Union chrétienne de jeunes gens. Ben oui. Est-ce si honteux d'admettre les racines chrétiennes du Y? C'est tristement symptomatique de notre difficulté à être tolérants tout en nous assumant en tant que civilisation judéo-chrétienne, je trouve...

10 novembre 2006

Sari jaune (Sur le vif 2)

Tant pis, celui-là est bleu...

La mode interethnique a ses adeptes, à Londres. Des jeunes de toutes les couleurs s'habillent en gangstas new-yorkais, en princes africains, en gypsy kings et c'est assez sympathique à voir, sauf que parfois ça frise le ridicule, surtout quand on n'assume pas ce qu'on porte...

Samedi matin dernier, je prends le métro à la station Swiss Cottage pour aller à la bibliothèque et je m'asseois face à quatre Indiennes assez âgées, gantées et bien emmitouflées dans leur manteau d'hiver. À la station suivante, une grande blonde au brushing impeccable monte dans le train. Les quatre Indiennes se retournent sur elle puis se regardent, interloquées.

La fille semble ignorer superbement qu'il fait froid dehors et porte fièrement un très beau sari brodé (un sari de cérémonie?) qui lui laisse le ventre à l'air. Elle reste debout malgré les nombreuses places assises disponibles. J'échange un sourire avec l'une des Indiennes, qui est elle aussi visiblement curieuse à propos de la fille et de l'endroit où elle compte se rendre habillée ainsi.

Après quelques minutes de cette torture, une autre Indienne n'en peut plus, cède à la curiosité et d'un signe de la main invite la fille à venir s'asseoir à côté d'elle. La grande blonde, sans doute gênée par toute cette attention, fait mine de ne pas la voir et s'accroche à son poteau et à sa dignité jusqu'à ce que les Indiennes descendent du train...