Kako
Quelqu'un, quelque part à Hull, au Québec, ne peut se douter que sa perruche qui s'est échappée dans la nature en octobre 2000 est toujours de ce monde et vit à Paris, en bonne intelligence avec une chatte, québécoise elle aussi... C'est l'été indien et Kako a volé tout le jour dans l'azur et la douceur de l'air, en savourant une liberté qu'il n'avait jamais goûtée auparavant. Il s'est perché pour la première fois sur la branche d'un arbre et en a éprouvé l'écorce, bien plus rugueuse sous ses pattes que le perchoir en plastique de la cage qu'il connaît si bien, dans une maison, quelque part... Où, déjà? Le vent dans ses plumes, ses ailes déployées sous le soleil éblouissant, l'ivresse du vol le porte si loin, déjà.
D'autres oiseaux, au plumage tellement plus terne que le sien, s'adressent à lui dans une langue qu'il ne connaît pas. Qu'importe! Kako leur répond joyeusement, dans sa langue australienne. «Bonjour! Bonjour!» Quel plaisir d'avoir des compagnons! La journée est magnifique et Kako aime sa liberté, mais comme avec la chèvre de Monsieur Seguin, celle-ci sera cruelle et voudra réclamer sa jeune vie...
Le soleil faiblit déjà. Octobre fait s'étirer les ombres très tôt, et déjà elles se couchent sur la terre en exhalant leur haleine froide. Kako, tout seul dans son arbre, gonfle ses plumes pour se réchauffer et cherche des yeux un peu de lumière. Lui, qui n'est encore qu'un bébé aux yeux tout noirs, sait d'instinct que la lumière pourrait le réchauffer.
«Là-bas, dit-il, je vois de la lumière. Il y a des gens. Ah oui, des gens... Une cage?». Mais avec un peu de chance, ces gens seraient gentils et s'occuperaient de lui. Il aurait à manger et dormirait au chaud. Là-bas... Dans une cage.
Voler dans l'obscurité est terrifiant, mais Kako ouvre grands les yeux et fixe la lumière à atteindre. Il n'a pas l'habitude de voler et ses ailes sont fatiguées. La maison semble si loin et l'air le glace, mais quelques coups d'ailes encore et il atteint enfin le rebord de la fenêtre, épuisé, transi.
«Eille, c'est quoi, ça?!! Une perruche! Viens voir!» Ah, enfin! Les gens ont vu Kako et ouvrent la fenêtre. Une main se tend vers lui, lentement, tout doucement, pour ne pas lui faire peur. Kako sent déjà la chaleur rayonnante de la main le caresser. «Je dois faire confiance, c'est ma seule chance», pense Kako, et il saute dans la grande main ouverte en fermant les yeux.
«Ben j'en reviens pas! La perruche n'a pas peur! Mais elle doit avoir froid!», s'exclame la femme, qui tient Kako dans sa main. Elle a de longs cheveux bruns et Kako est sûr qu'il fait plus chaud dans son cou. Il y est en un bond et reste perché là, sur son épaule, derrière une rideau de cheveux lourds, à l'abri de la mort. Il ferme les yeux. La chaleur l'enveloppe. Il va vivre encore et les gens l'aiment déjà. Tant pis pour la cage, il finira par s'en faire une maison.
Kako sur Pitounette, son chat préféré. C'est doux pour les pieds!